Tanis

Une nouvelle capitale

Auteurs : Fr. Leclère et Fr. Payraudeau, directeur et directeur-adjoint de la Mission française des fouilles de Tanis.

À la fin du Nouvel Empire (XIe s. av. J-C.), l’Égypte entre dans une
période de division. Au nord, à une vingtaine de kilomètres de Piramsès
(Qantir ), l’ancienne résidence et base navale des Ramsès, les souverains
de la XXIe dynastie bâtirent une nouvelle capitale, Tanis, et son port.

Leur pouvoir ne s’étend cependant pas au-delà de la Basse Égypte. Au sud,
les puissants grands prêtres d’Amon contrôlent la Haute Égypte depuis
l’antique cité de Thèbes (aujourd’hui Louqsor).

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Mission Française des fouilles de Tanis

La redécouverte de Tanis

Identifiée dès le début du XVIIIe siècle comme les ruines de la Tanis mentionnée à plusieurs reprises dans la Bible, Sân fut visitée en 1798 par les savants de l’Expédition d’Égypte, menée par Bonaparte, et pour la première fois décrite en détail. Quelques fouilles limitées dans la première moitié du XIXe siècle donnèrent quelques belles statues – par exemple le grand sphinx de granit du Musée du Louvre. C’est cependant à Auguste Mariette, fondateur du Service des antiquités de l’Égypte, que l’on doit le premier dégagement majeur du temple d’Amon (1860-1864). Il y mit au jour quantités de magnifiques statues et reliefs, qui furent plus tard transportés au Musée égyptien du Caire.
L’archéologue britannique William Flinders Petrie y fit également ses premières armes en 1884. Mais c’est à partir de 1929 qu’une mission française, dirigée par Pierre Montet, put se consacrer dans la durée à l’exploration systématique des aires sacrées d’Amon et de Mout. L’histoire retiendra surtout son extraordinaire découverte, entre 1939 et 1946, des tombeaux royaux et princiers des XXIe et XXIIe dynasties. En partie intactes, les sépultures livrèrent de riches trésors (sarcophages de pierre et d’argent, masques d’or, parures et vaisselle précieuse, etc.), que l’on peut également admirer au Musée du Caire.
Depuis 1965, les travaux de la Mission Montet se poursuivent sous l’égide de la « Mission française des fouilles de Tanis ». Celle-ci consacre ses activités au ré-examen méthodique des zones autrefois explorées, à la fouille de nouveaux secteurs, à l’étude globale du tell (prospections géophysiques, céramologiques, géomorphologiques) et à la valorisation scientifique et patrimoniale des vestiges découverts (épigraphie, architecture, topographie, protection, conservation).

Une nouvelle capitale

Consacrés à la triade thébaine – Amon, Mout et Khonsou – les principaux temples de cette « Thèbes du nord » furent édifiés, comme à Karnak, au sein de deux grandes aires sacrées situées dans la partie nord de la ville, tandis qu’un sanctuaire d’Amon d’Opé, miroir du temple de Louqsor, en occupait l’extrémité sud. Plus tard, Tanis vit également se développer le culte d’Horus, divinité majeure du Delta oriental. Les enclos religieux étaient entourés d’une ville très étendue (plus de 200 ha), dont les ruines, érodées par de millénaires intempéries, forment les hautes collines actuelles.
Les temples furent sévèrement détruits dans l’Antiquité tardive. Bâties pour l’essentiel en
calcaire, les superstructures furent exploitées pour la fabrication de chaux. Il n’en subsiste aujourd’hui que certains monuments de granit et de quartzite – obélisques, statues, colosses, colonnes, stèles, blocs, etc. – dont seule une faible partie est encore en place, ce qui rend malheureusement difficile voire illusoire toute reconstruction.
Ces fragments épars ont donné aux ruines, ainsi qu’à la localité actuelle qui les jouxte, leur nom moderne : Sân el-Hagar, « Tanis-les-Pierres ». Si beaucoup d’entre eux portent des inscriptions plus anciennes que la fondation de la ville, c’est qu’ils y furent transportés depuis Piramsès, dont les bâtiments officiels à l’abandon servirent de carrière de pierre à bâtir au cours de la Troisième Période intermédiaire.

C’est au roi Psousennès Ier (XXIe dynastie) que l’on doit le premier programme monumental majeur du temple d’Amon, au sein d’une puissante enceinte de briques crues, bastionnée comme une forteresse. Il y fit également installer sa tombe, bientôt suivi par ses successeurs des XXIe et XXIIe dynasties, qui firent également réaménager les temples. À partir de la XXVIe dynastie (VIIe s. av. J.-C.), le siège du pouvoir se déplaça à Saïs, dans l’ouest du Delta du Nil. Tanis resta cependant une métropole
importante, et ses sanctuaires furent rebâtis et embellis plusieurs fois au cours
de la Basse Époque (VIIe-IVe s. av. J.-C.) et de l’époque ptolémaïque
(IVe-Ier s. av. J.-C.).

La Nécropole Royale

La nécropole Royale

Les pharaons des XXIe-XXIIe dynasties ont fait bâtir leur tombe dans la partie sud-ouest
de l’aire sacrée du dieu Amon. Certains des sarcophages de pierre retrouvés sont
exposés près de l’entrée du site. Les tombeaux principaux sont ceux de Psousennès Ier,
Osorkon II et Chéchanq III qui intègrent également d’autres inhumations importantes.

• Le tombeau de Psousennès Ier comporte deux caveaux de granit où ont été
retrouvées les riches sépultures du souverain et de son successeur Amenemope,
seuls tombeaux royaux de l’Égypte ancienne retrouvés intacts après la tombe de
Toutankhamon. L’antichambre de calcaire contenait celles des rois Siamon, Psousennès
II (XXIe dynastie) et Chéchanq II (XXIIe dynastie). Deux chambres additionnelles avaient
été aménagées pour des proches de Psousennès Ier (Général Oundebaounded, Prince
Ankhefenmout).

• Le tombeau d’Osorkon II (XXIIe dynastie), dont l’énorme sarcophage est visible
dans son caveau de granit, accueillait également les sépultures de son père, le roi
Takélot Ier, et de son fils, le prince et grand prêtre d’Amon Hornakht.
• Bâti avec de nombreux remplois de calcaire provenant de tombes privées de la
XXIe dynastie (certains encore visibles sur les parois extérieures), le tombeau de
Chéchanq III contient les sarcophages du roi et de son successeur Chéchanq IV.
Le caveau est richement décoré d’extraits du Livre de l’Au-delà.

Bibliographie (provisoire) :
 F. Leclère, « Note d’information. Mission française des fouilles de Tanis. Nouvelles recherches », CRAIBL, novembre-décembre 2016/4, 2016, p. 1467-1480.
 Luc Gabolde, Damien Laisney, François Leclère, Payraudeau Frédéric. L’orientation du grand temple d’Amon-Rê à Tanis : Données topographiques et archéologiques, hypothèses astronomiques et conséquences historiques. Philippe Collombert ; Laurent Coulon ; Ivan Guermeur ; Christophe Thiers.
Questionner le Sphinx. Mélanges offerts à Christiane Zivie-Coche, 178, Institut Français d’Archéologie
Orientale, pp.309-348, 2021, Bibliothèque d’étude, 9782724707878. hal-03316301